Tuesday, October 2, 2007

Pierre Colin

né en Bretagne.
A publié de nombreux articles sur l'imaginaire et participé à l'écriture de plusieurs
ouvrages collectifs, dont " Réconcilier Poésie et Pédagogie ", " Ca Conte ", " L'Atelier
d'Ecriture " ( GFEN ).
Il est acuellement responsable de la revue " Cahiers de Poèmes ".
A co-produit un livre pour les enfants: " Les aventures de Grand'Père Coloconte " aux
Editions L'Ecole des Loisirs.
Pierre Colin a publié des textes dans de nombreuses revues de poésie, parmi lesquelles :
" Encres Vives ", " Glyphes ", " Le Puits de l'Ermite " etc.


Dire son nom

Dire son nom.
Le premier, le plus grand secret.
On le chuchote dans le grenier des lèvres,
On le donne à jouer. Il ouvre chaque mot.
Dans chaque nom, les oasis de l'amour,
la bête de la longue steppe,
nom harassé dans les sables des voix lointaines,
nom qui construit nos traces au ciel des mots.
Caravane de lettres traversant la langue.

Angélus

La fenêtre la cloche

Un puits plein comme un poing
Scolopendre scolopendre couronne de secrets

Autour des troncs la main résiste

Les sentiers sont éteints
dans la gorge des merles

Les fourrés se rappellent
de nuit en nuit jusqu'à la mer

L'arbre tient haut ses peurs
dans les oiseaux.

J'ai longtemps déjoué l'aurore...

J'ai longtemps déjoué l'aurore.

Du soleil, je sais peu de choses,
quelques travaux obscurs dans les siècles,
le jaune aux yeux...

Parfois l'aurore est un baiser perdu.
Les merles fusent de tous côtés.
Le soleil envahit les mots,
on respire les hirondelles...

Au village sans queue ni tête,
les jardins n'obéissent plus.

Déjà chaussé de boutons d'or,
le printemps court après l'aurore.

On se mire aux oiseaux

L'air est plein d'arbres qui rêvent.

Des ogres rouges dévorent le couchant.
Papillon me volette.
Oiseau bec beau.
Le chèvrefeuille gobe l'oeil !
Le brouhaha des arbres à tire d'ailes
se partage le droit d'aimer.
Dans le village pris au piège
Le corps émigre doucement
jusqu'au couchant.
Le printemps envahit les mots.

On se mire aux oiseaux.

En passant par la légende...

La route vers le soir passe par la légende

Voilure heureuse du visage
Grandes dalles de silence à leur toilette
de mystère

J'ai piété d'homme à des cultes de merles

Une ombre faite lèvre et le dernier oiseau
au jabot de caresse

Ce qui change, c'est la beauté.

Déesse.

Elle a cherché l'automne du vieux chat gris
qui sort de la mer, qui sort de la nuit...

Ses sortilèges sont de nacre et de vent,
de corail et de cendre...

Elle a cherché le goût d'azur des vieilles pierres,
le goût d'oiseau de la lumière...

De siècle en siècle sa voix se fait mystère.

La mer travaille sans lendemain.

Ruelle en fête

Ruelle, ma petite chatte...

L'heure est un chrysanthème
qui rencontre une joue

Un arbre est un arbre
et fond dans la bouche.

Une cuillerée de ciel
adoucit nos gorges.

L'arbre étudie le temps
des merles.

Les villes ont des petits rires
en dessous, et dansent.

Nos doigts ont des étoiles.

Parc et Statue

Ce serait comme un vieil impromptu,
l'insouciance du soir qui virevolte.
Un papillon, grand comme l'oubli.

Tu jouerais pour moi seul des lieder de Schubert.
Des poèmes discrets reviendraient sur nos lèvres.
La scène se passerait dans vingt, ou trente vies.

Les mêmes crinolines. Les mêmes yeux de soie.
Nous serions à la fois, de marbre et de parole,
du sang et de l'azur.

Désormais ...

Je n'hésiterai plus à me prosterner
devant la moindre pluie,
devant la moindre aurore, grise
ou rose,
devant le moindre vent, qu'il soit vêtu
d'or des tempêtes,
qu'il soit pollen des ciels levants.
Je m'agenouillerai au bord de tout rivage,
je tremperai ma nuque dans les fleuves.
Désormais chaque pierre sera nommée,
chaque mot recevra son dû,
loin des faiseurs d'églogues...

Car il est dit, qu'en chaque oiseau,
se cache un dieu derrière la tête...

La Baie a ouvert l'oeil...

La baie a ouvert l'oeil peu après moi,
nos confidences avaient duré très tard,
bien après l'exil du soleil, grand bavard,
ce guerroyeur d'énigmes qui nous guette
dès que la grive a quitté le mûrier...
Grande baie des nuits blanches,
qui s'avance en apnée profonde
dans le ciel bleu...

Secret

La chèvre broute
le ciel d'automne.

La rosée griffe.
Le vent se pend.

Au vitrail du jardin,
une flaque d'oiseaux.

L'hirondelle te fauche,
ton pays brûle.

Et tu restes hors les mots,
salamandre au regard de pluie.

Cosmos

Le printemps se mesure aux hommes.

Les maisons, qui se heurtent du front,
sont des cerfs impatients d'aimer.

L'aube installe ses golfes, ses vents tièdes.
On se laisse parler dans d'autres vies.

Tout se hâte aux savanes du temps perdu.

Deux ou trois mots aimés guident nos lèvres.

Métier

C'est le métier d'un vieux fleuve,
de raconter l'espoir...

Rien n'arrête le rêve, hormis le rêve.
On fait tant de beauté avec si peu de vie.

Les arbres se préparent
pour un bond immense dans la nuit.

Ces poèmes sont extraits de UNE ÉPINE DE BONHEUR